Un cri brisa le silence. Un cœur s’accéléra dans la nuit noire et la respiration hachée devint assourdissante. Encore un, elle en a encore fait un. Si elle était cynique, elle noterait chaque cauchemar qu’elle faisait, elle les compterait. Mais il y en aurait trop bien évidemment. Ce serait comme essayait de dénombrer chaque grain de sable sur une plage. Impossible, même quand les hommes auront détruit la planète, que les voitures voleront et que la seule nourriture sera un capsule. De toute façon à cette époque, il n’y aura plus de plage, plus de rien. Elle ne le verra pas, elle s’en fiche, cette horreur ne sera pas la sienne. Et puis elle en a déjà tellement trop. La blonde ferma les yeux et se laissa retomber dans son lit, son corps entra brutalement en contact avec le matelas couvert de draps de soie et un pouf sonore résonna dans la pièce. Sa respiration s’était calmée mais sa nuisette en satin collait à sa peau en sueur. C’était déjà le troisième, il ne lui restait plus qu’une heure sept moins le temps qu’il lui faudrait pour se rendormir avant que le réveil sonne. Soit sept minutes de soleil sachant très bien qu’il faudrait une bonne heure pour chasser les images de sa tête, la douleur cuisante entre ses cuisantes qui n’était pas réelle mais qui l’élançait tout de même. Liv’ se tourna sur le ventre et enfouit sa tête dans l’oreiller. Elle n’en pouvait plus de tous ses cauchemars, elle voulait que tout cela s’arrête, elle voulait une pause pour pouvoir dormir une nuit complète sans se réveiller à hurler comme un chien blessé à mort. La nausée la prit et elle se remit sur le dos, allongée droite comme un cadavre alors qu’elle s’efforçait de respirer calmement et de ne penser à rien. Inspirer, expirer, inspirer, expirer. Ce n’était pas compliqué, deux étapes que l’homme faisait naturellement, comme un automatisme dès sa naissance. Elle était une battante, elle pouvait bien faire ce qu’un bébé faisait alors qu’aucune pensée distincte passait dans son esprit. Pourtant le simple fait de respirer lui semblait douloureux, insupportable et surtout insurmontable. Tout cela c’était à cause d’elle, elle ne pouvait pas dormir à cause d’elle. Cette ombre qui lui pourrissait la vie depuis qu’elle était née. Autre haut le cœur et la voilà qui court dans la salle de bain avoisinante à sa chambre pour y vomir le maigre contenu de son estomac. Elle se dégoûte elle-même et finit par vomir ses tripes plus que quelque chose de consistant qui autrefois s’appelait nourriture. Et puis rien que l’idée que dans une heure désormais, il faudra qu’elle recommence le même rituel, c’est-à-dire se lever, s’habiller, manger puis aller au club de Paolo pour danser jusqu’à ce qu’elle s’écroule de fatigue en faisant tout pour aller bien alors qu’elle n’allait pas bien, c’était trop. Elle était épuisée avant même d’avoir commencé. C’est sans doute parce que tu n’as pas dormi vingt-quatre heures en tout en une semaine ma vieille si bien que tu penses n’importe quoi tu vas bien ! C’est ce qu’elle se dit à elle-même pour essayer de se convaincre. Au fond elle savait que ce n’était pas le cas. Néanmoins, elle refusait de s’avouer qu’elle allait mal. Ses salopards avaient déjà brisé sa vie quand elle était gamine et sous leurs mains, maintenant qu’elle était libre, plus jamais ils n’auraient d’emprise sur elle.

Olivia soupira et décida d’aller prendre une douche d’une heure, voir d’une heure et quart sous l’eau brulante au lieu d’aller s’allonger de nouveau et essayer de dormir alors qu’elle savait très bien que ses efforts seraient vains. Elle se déshabilla lentement et entra dans la douche après avoir tiré la chasse d’eau. Elle tourna le robinet d’eau chaude et quelques minutes plus tard, la pièce était remplie de valeur. Le jet bouillant lui faisait un bien fou et malgré le fait que sa peau ait viré au rouge vif, ses muscles s’étaient détendus. Cependant, ses pensées dérangeantes étaient toujours là, ne coulant pas comme des gouttes sur son corps, s’accrochant à elle comme une deuxième peau. Elles l’étouffaient, l’envahissaient et Liv’, vaincue, finit par se plonger dans son passé terrifiant qui revenait la hanter tous les soirs en rêve.

Le jeune Bass soupira en saluant une main de plus, celle d’un soi disant employé de Bass Industrie bien qu’il n’aurait même pas su dire s’il l’avait déjà vu ou pas. Il commençait à être fatiguée de cette soirée qui s’éternisait. Les bruits devenaient confus et il ne pouvait plus distinguer les rires des convives, les tintements des coupes de champagnes, les questions polies des serveurs et le bruit de cette machine trop kitch à son goût qui trônait en plain milieu de la salle de réception. Si ce soir, ils étaient tous réunis (pour le meilleur et le pire, le pire étant en train de se dérouler pensa Chuck), c’était pour une association caritative. Le but de cette soirée étant de récolter un maximum de fond pour créer des nouveaux parcs naturels dans les Etats-Unis qui pourraient ainsi accueillir des espèces en voie de disparition. Leur habitat naturel serait simulé et on pourrait les observer évoluer dans leur élément. Bien sûr, Chuck trouvait que toute cette soirée respirait l’hypocrisie bien plus que d’habitude. Oui, si l’Upper East Side était une mascarade géante, cette réception était bien pire que la normale. Honnêtement, tout cela était fait pour se faire bien voir de la presse. Il était à peu près sûr que les animaux n’avaient pas pour habitude d’être observés et de devoir attendre d’être nourris. De plus, l’organisateur de cette soirée avait une idée, oh combien stupide, d’installer une sorte de gros distributeur en or en plein milieu de la pièce dans laquelle on versait les dons. Et dès que de l’argent était donné, elle faisait un bruit horripilant, tout droit sorti d’une fête foraine de Brooklyn. Vraiment de mauvais goût. Chuck toisa l’appareil et toute la société. Il savait qu’il n’aurait jamais du venir. Mais voilà, Blair lui avait demandé, lui avait promis que s’il était son cavalier, il aurait une fin de soirée… magique et c’était seulement cela qui l’avait convaincu de venir s’enterrer ici. Mon Dieu que cet endroit était horrible. La musique était pitoyable, les robes des invités ne devaient pas dépasser les 1000 $ et la presse était déjà partie. Les sourires polis n’étaient là que pour cacher le dégoût que ressentaient les convives. Les conversations animées qu’on entendait n’étaient en fait que des employés qui avaient retiré leurs tenues de serveur pour mettre des costumes et des robes à la va vite et qui maintenant devaient faire croire qu’ils se trouvaient dans le meilleur endroit du monde. Oui tout le monde faisait semblant mais pas lui. Il se fichait bien de cacher son dégoût, Chuck Bass ne s’abaissait pas à ça. Pourquoi faire la comédie pour sauver une soirée qu’il aurait pu faire couler en un claquement de doigt ? Chuck Bass ne s’abaissait pas, Chuck Bass disait ce qu’il pensait. Il pouvait faire tourner le monde comme il le souhaitait. Il avait hérité du pouvoir de son père et comptait bien en profiter plus que de raison !

Le jeune homme soupira et se rendit vers le bar installé dans un coin où quelques autres gentlemans étaient venus passer le temps. Le brun les ignora, commanda un gin puis en attendant que sa commande arrive, il se mit à regarder autour de lui, cherchant une chevelure brune et une robe hors de prix qui avait été achetée par ses bons soins. Son regard se posait de personne en personne, rencontrant tant tôt des visages ridés, d’autres beautés insipides, des hommes qui affichaient de pathétiques sourires qui se prétendaient séducteurs. Et puis enfin, il la vit. Parmi toutes ces personnes, elle semblait briller, illuminer par sa beauté. Un sourire étira doucement ses lèvres alors que son cœur, comme à chaque fois, s’accélérait. Au début, il avait trouvé cela désagréable, ses battements trop rapides qui le rendaient trop nerveux et qui déclenchaient des frissons dans tout son corps. Maintenant, il s’y était habitué et c’est à peine s’il s’arrêtait sur ce petit changement. Il se concentrait plus sur le bien-être qui l’envahissait quand il la voyait, seule au milieu de toute cette foule, sans beau bellâtre avec elle. Parce qu’il l’accompagnait, parce qu’elle était à lui autant qu’il était à elle et ça, c’était encore mieux que de se dire qu’il était Chuck Bass. Ils étaient ensemble, ils s’aimaient et elle ne poserait plus jamais son regard sur un autre. Ses « Je t’aime » lui étaient réservés, son corps et son âme étaient marqués de son odeur, de son amour, de sa façon de l’embrasser. Il était fou d’elle au point de penser que si elle le quittait, il en mourrait. Cet amour était trop fort pour qu’il le vive seul. Il l’avait longtemps repoussé, effrayé par tous ses sentiments qu’il n’avait jamais ressenti. Il l’avait longtemps fait souffrir mais aujourd’hui, tout cela était une époque révolue. Parce qu’ils étaient ensemble et c’était ce qui comptait. Et ce qui était rassurant, d’un autre côté, était qu’il savait qu’elle ressentait la même chose que lui, il n’avait donc pas à avoir peur qu’il la quitte. De toute façon, il n’y avait pas l’ombre d’une dispute entre eux. Ils s’aimaient, ils se désiraient, ils avaient fini le lycée, ils étaient à l’aube de leur vraie vie et ils allaient en profiter pleinement ensemble.

Chuck sortit de ses pensées quand le serveur lui apporta sa commande. Il la prit, ne remercia pas, ne fit même pas un geste. L’homme disparut servir une autre personne, espérant obtenir cette fois un pourboire. L’héritier de la fortune Bass, lui, porta son verre à ses lèvres, buvant une gorgée de l’alcool brulant. Il décida de déguster son verre tranquillement, ici tout en regardant Blair faire des sourires hypocrites alors qu’elle cherchait désespérément un moyen de partir de ce fiasco qui respirait trop la pauvreté pour une Waldorf. Il attendit, adossé au comptoir qu’elle pose son regard sur lui et que l’étincelle qui éclairait ce dernier quand elle le regardait apparaisse. Il savait qu’à ce moment là, il ressentirait comme une nuée de papillon s’envoler dans tous son ventre et il la désirerait encore plus fort qu’à cet instant. Il irait la rejoindre et ainsi ils passeraient une nuit de plus ensemble. C’était assez bête, mais à chaque fois qu’ils passaient une soirée ensemble, il ressentait une joie enfantine face à sa vie si rangée. Certes, des fois, les soirées d’avant lui manquaient. Cependant, il adorait être assis avec elle dans le canapé de sa suite, sans rien faire, juste s’embrasser quand l’envie les prenait. Juste rester dans ses bras, juste recevoir sa tendresse son affection… Il avait l’impression qu’il ne la méritait pas cette affection mais à chaque fois, elle chassait ses doutes, elle le connaissait bien. Lui aussi la connaissait assez pour voir qu’elle commençait doucement mais sûrement à s’énerver. Il eut un petit sourire et s’éloigna du bar, y laissant un verre vide. Il s’approcha d’elle, de son pas léger, comme un félin. Tout en passant un bras possessif autour de sa taille, il déposa ses lèvres dans sa nuque et murmura contre sa peau :

« - Et si on rentrait dans notre suite ? La limousine nous attend dehors et le champagne est au frais. Ce sera tellement meilleur là-bas. »

Il fit une petite pause et fit courir sa main sur sa taille pour enlacer ses doigts aux siens.

« - Rien que toi et moi… »